Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/118

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nition du ciel, et souhaitant de tout son cœur que la plaie fût dangereuse.

L’inexorable Thésée ne fut pas mieux servi par Neptune (lorsqu’il lui adressa contre son fils le vœu le plus cruel et le plus indiscret) que le fut l’inflexible Honoré. À quelque temps de là sa malheureuse nièce roulait les yeux, s’enfonçait les ongles dans les fesses et se donnait des coups de pied dans le sein, en criant à qui l’approchait : « — Ôtez-vous, retirez-vous, je vous mordrai. » Ces mots, prononcés avec fureur, avaient si bien l’air de ce qu’on appelle accès de rage, que c’était à qui n’avancerait pas. On jugea par l’écume épaisse qui lui sortait de la bouche, que c’était un effet de la morsure de son favori. On s’empara d’elle dans un bon moment pour la garotter et la conduire à la mer.

Si tant de malheurs à la fois accablaient cette pauvre infortunée, de son côté le fugitif Félix réfugié à Pontoise n’était pas à son aise : il était devenu moins beau narrateur et moins plaisant ; son minois disgracié par la brûlure lui faisait un tort considérable (tant la figure sied bien au métier). Ayant vu faire à M. Tranchant quelques opérations de chirurgie, il se mit dans la tête d’exercer le peu qu’il en savait. Si quelqu’un de ceux qui l’occupaient se plaignaient d’un mal de tête, Félix offrait de le trépaner à peu de frais ; nul n’était curieux d’user de ce remède, quelque doux qu’il parût ; on se bornait à le laisser le maître de tirer quelques palettes de sang ; mais ne sachant pas saigner, il se déclarait ennemi des partisans de la lancette, et se tirait adroitement du piège que lui tendait son ignorance en ordonnant, en place de saignée, une tisane composée de beaucoup de réglisse et peu de chiendent, que le malade trouvait excellente. Dans le nombre de trois ou quatre malheu-