Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

même ne représente-t-elle pas l’espèce de naïveté relative créée par quatre siècles de découvertes au détriment des hommes de ce temps-là ? — Et puis, pensai-je, Hercule n’avait pas plus de muscles que nous ; ils n’étaient que plus gros. Je ne puis même pas déplacer le rocher qu’il enlève, mais la structure de nos machines n’est pas différente ; je lui corresponds os par os, fibre par fibre, acte par acte, et notre similitude me permet l’imagination de ses travaux.

Une brève réflexion fait connaître qu’il n’y a pas d’autre parti que l’on puisse prendre. Il faut se mettre sciemment à la place de l’être qui nous occupe… Et quel autre que nous-mêmes peut répondre, quand nous appelons un esprit ? On n’en trouve jamais qu’en soi. C’est notre propre fonctionnement qui, seul, peut nous apprendre quelque chose sur toute chose. Notre connaissance, à mon sentiment, a pour limite la conscience que nous pouvons avoir de notre être, — et peut-être, de notre corps. Quel que soit X, la pensée que j’en ai, si je la presse, tend vers moi, quel que je sois. On peut l’ignorer ou le savoir, le subir ou le désirer, mais il n’y a point d’échappatoire, point d’autre issue. L’intention de toute pensée est en nous. C’est avec notre propre substance que nous imaginons et que nous formons une pierre, une plante, un mouvement, un objet : une image quelconque n’est peut-être qu’un commencement de nous-mêmes…



lionardo mio
o lionardo che tanto penate
.

Quant au vrai Léonard, il fut ce qu’il fut… Ce mythe,