Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/61

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logique méconnue dont j’ai parlé, n’existe que rarement, même dans les plus forts têtes. Le nombre des conceptions, la puissance de les prolonger, l’abondance des trouvailles sont autres choses et se produisent en dehors du jugement que l’on porte sur leur nature. Cette opinion est cependant d’une importance aisée à représenter. Une fleur, une proposition, un bruit peuvent être imaginés presque simultanément ; on peut les faire se suivre d’aussi près qu’on le voudra ; l’un quelconque de ces objets de pensée peut aussi se changer, être déformé, perdre successivement sa physionomie initiale au gré de l’esprit qui le tient ; — mais la connaissance de ce pouvoir, seule, lui confère toute sa valeur. Seule, elle permet de critiquer ces formations, de les interpréter, de n’y trouver que ce qu’elles contiennent et de ne pas en étendre les états directement à ceux de la réalité. Avec elle commence l’analyse de toutes les phases intellectuelles, de tout ce qu’elle va pouvoir nommer folie, idole, trouvaille, — auparavant nuances, qui ne se distinguaient pas les unes des autres. Elles étaient des variations équivalentes d’une commune substance ; elles se comparaient, elles faisaient des flottaisons indéfinies et comme irresponsables, quelquefois pouvant se nommer,