Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/121

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la nécessité du sacrifice, à la fatalité de l’hécatombe ?


Une gamine de huit ans s’était, l’autre jour, coupé le doigt — un farouche à poitrail velu s’est évanoui. Il fallait voir comme tout ce gibier de prison d’État s’est mis à consoler et à embrasser la fillette ! L’un a fait un poupon de linge, l’autre a été acheter une poupée d’un sou. Ce sou-là était pour son tabac, il n’a pas fumé de la soirée. Et l’on a lié le chiffon autour du bobo, avec plus d’émotion qu’on n’en eût eu à bander la plaie d’un combattant, affreusement mutilé, dans une ambulance de carrefour.


Le garçon aux yeux aigus a voulu faire un livre. Il écrit ; je m’en doutais.

— Oui, j’ai noté ce que j’ai vu à Toulon. J’en ai deux cahiers gros comme ça. Je vous les montrerai, si vous voulez venir à la maison.

Nous avons pris rendez-vous.

— Vous allez voir ma femme, c’est la fille de Pornin, la Jambe de bois.


Une créature frêle et mince, gracieuse et triste — triste jusqu’à la mort ! — de la distinction, et une mélancolie sans nom, venant on ne sait d’où, reflet d’un mal incurable et caché ! Les cheveux sont gris, d’un gris qui trahit une mue de chagrin ; quelque révélation douloureuse a dû, un soir, jeter de la