Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/33

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J’ai été parjure en étant pion — parjure je serai encore en allant mendier la signature de gens qui ont tenté de nous assassiner au Deux-Décembre.

Misérable ! au lieu de gagner du terrain, j’en ai perdu et je viens de me trouver des cheveux blancs !


C’est fait ! — Un général de la Garde, un libraire des Tuileries, un ancien proviseur de mon père, ont donné, chacun, deux lignes de recommandation.

Elles ont suffi. Je viens d’être nommé auxiliaire, à cent francs par mois, dans une mairie qui est au diable et qui a l’air d’une bicoque.

J’y file, monte les escaliers et demande le chef de bureau.

Un monsieur à lunettes et un peu bossu me reçoit.

— C’est bien. Vous serez aux naissances.


Il me mène au bureau des déclarations et me confie à un employé qui me toise, me fait signe de m’asseoir et me demande si j’écris bien (!!).

— Pas trop.

— Faites voir.

Je plonge une plume dans l’encrier, je la plonge trop fort, et en la retirant, j’éclabousse, d’une tache énorme, la page d’un grand registre que l’homme a devant lui.

Il donne les signes du plus violent désespoir.

— C’est juste sur le nom !… Il faut un renvoi !