Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/382

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Un marin y rôde, avec des airs de chacal. Derrière lui, un marin encore, puis un fantassin ; une compagnie, un lieutenant à visage imberbe.

— Faites descendre tout le monde !

Je descends le premier.


— Où est le chef de l’ambulance ?

— C’est moi.

— Vous vous appelez ?

On m’a fait la leçon. Je la récite.

— Pourquoi cette voiture ?

C’est la vivandière qui l’a fait atteler pour que nous sautions dedans et filions, s’il y a une éclaircie.

Je réponds sans broncher :

— Vous venez faire votre métier, je vais faire le mien : aller soigner et recueillir des éclopés.

Il a froncé le sourcil, et m’a fixé.

— Faut-il dételer ?…

Il m’a regardé encore et a, du bout de sa badine, esquissé un geste qui libérait le chemin.


— Venez-vous, Larochette ?

— Non, vous ne ferez pas vingt mètres. Vous allez à la mort !


J’y trotte même, car je pousse la bête.

J’ai failli être pris dix fois, et j’allais l’être pour de bon, quand un officier de la ligne m’a sauvé à son insu. Il s’est jeté au-devant du cheval.