Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/56

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C’est cet emploi de rien du tout qui m’a sauvé ; c’est grâce à lui que je déjeune ce matin.

Car ma conférence ne m’a pas rapporté un écu. Le directeur m’a payé en nature, largement : hier soir nous avons fait un bon dîner.

Mais aujourd’hui mon gousset est vide : je ne suis pas plus riche que si l’on m’avait sifflé. Mes gants, mes bottines, ma chemise d’apparat m’ont coûté les yeux de la tête. Comment souperai-je ?

Vers neuf heures, mes boyaux grognaient terriblement. Je me suis rendu au Café de l’Europe, où des camarades ont crédit, et j’ai accepté une bavaroise — parce qu’on y met des flûtes.


Le lendemain, comme d’habitude, je suis allé à la mairie. Les employés, qui m’ont vu venir, sortent sur le seuil de leurs bureaux.

— Qu’y a-t-il donc ?

— Monsieur Vingtras ! Le maire vous demande.

Du couloir, j’aperçois en effet, par la porte de la salle des mariages entre-bâillée, le maire qui m’attend.

Il me fait entrer dans son cabinet.

— Monsieur, vous devinez sans doute pourquoi je vous ai appelé ?

— ?…


— Non ?… Eh bien, voici. Vous avez prononcé dimanche, au Casino, un discours qui est une véritable