Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/72

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pris une attitude de tribun et rigidifiais mes traits, comme un médaillon de David d’Angers.

Pas de ça, mon gars : halte-là !

Tu n’as à copier ni les gestes des Montagnards, ni le froncement de sourcils des Jacobins, mais à faire de la besogne simple de combat et de misère.


Contente-toi donc de te dire qu’il est doux de sentir venir à soi des tendresses étrangères, quand on a été incompris et supplicié par les siens.

Avoue la joie que tu éprouves à te découvrir une famille, qui t’aime plus que ne t’aima la tienne, et qui, au lieu de t’insulter ou de rire de tes grands espoirs, tend ses bras vers toi et te salue — comme dans les campagnes on salue l’aîné qui porte l’honneur et le fardeau du nom.

Oui, c’est là ce qui m’a pris l’âme.

Je me sens apprécié par quelques-uns et j’en avais vraiment besoin, car il est dur de rester, comme je l’ai fait, railleur et sombre, tout le long d’une jeunesse robuste.


Il y a dans ces lettres un billet de femme.

« Et personne ne vous a aimé pendant que vous étiez si pauvre ? »

Personne !