Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/242

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les Entêtard poursuivraient, si je ne les laissais pas !

J’en suis donc pour un mois de raisiné, de chemises roulées, d’enfants mouchés, et je serai traité de voleur ce soir par le juif, chassé demain par Turquet ; et ce sera le second jour que Legrand n’a pas mangé !…

S’il est mort, je ne pourrai même pas le faire enterrer !

Voilà mes débuts dans la carrière de l’enseignement !…


Legrand ne peut résister au coup qui nous frappe et il demande à sa famille — dans une lettre qui sent la queue de merlan — de lui tendre les bras. Il ira s’y jeter quelques semaines.

Les bras s’ouvrent en laissant tomber l’argent du voyage.

Il part, un peu contrefait et un peu fou à l’idée qu’il pourra étendre ses jambes la nuit. — Étendre ses jambes !

Il part, me laissant généreusement quelque argent pour liquider la friture.

Je liquide et repars, Paturot maigre, à la recherche d’une nouvelle position sociale.