Page:Van Hasselt - Les Quatre Incarnations du Christ, 1867.djvu/61

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Que la terre nourrit et que le ciel éclaire.
J’ai vu partout la haine et partout la colère,
Et partout s’indigner les peuples frémissants
Du joug que leur épaule a porté six cents ans.
L’Afrique, du milieu de ses ruines mornes,
Crie au simoun errant dans ses déserts sans bornes :
« Qu’as-tu fait du linceul de sables meurtriers
« Où tu couchas hier Cambyse et ses guerriers ? »
Et l’Asie à son tour, l’Asie aux dieux difformes,
Jour et nuit crie : « Allons, mes éléphants énormes,
« Mes tigres, mes chacals, mes lions dévorants,
« Levez-vous et mettez en lambeaux mes tyrans ! »
Et par l’Europe entière une clameur funèbre,
Du Rhin à la Vistule et de la Seine à l’Èbre,
Se prolonge, apprenant au monde conjuré
Que souvent la révolte est un devoir sacré.
Quatre siècles entiers, moi qui marche et qui sue
Dans mon rude chemin sans terme et sans issue,
J’ai recueilli ces cris, j’ai commenté ces voix.
Dans le passé profond l’avenir je le vois ;
Et, de quelque côté que je tourne l’oreille
J’entends gronder un flot humain qui se réveille
Et sur ses fondements tout l’empire trembler
Comme un vieux pan de mur qui s’apprête à crouler.