Page:Van de Wiele - Miseres.djvu/355

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quittée n’était-ce pas lui qui, un soir, en comparant à une faucille le premier quart de lune, évoquait ces vers de Hugo qui venaient de lui revenir ? La mer, cette sombre, lourde, tragique mer nocturne était sa passion, et il n’y avait pas jusqu’à l’air d’aubade joué aux environs qui ne lui remît en mémoire la douceur de leur si étroite, de leur si tendre intimité des derniers mois : cet air, c’était la Mañola ma bien-aimée de toutes les sérénades italiennes, et il l’avait jouée, en accompagnant au violon une troupe de musiciens nomades, bien peu de jours après leur installation à la villa des Roses.

Maintenant, ils allaient l’atteindre, cette maison où, si patiemment, la mère avait cultivé, instruit, entraîné vers les hauteurs de l’idéal l’âme de son pauvre petit…, où, avec tant de bonheur, elle l’avait vue fleurir, exquise, délicate et supérieure. Elle eut un cruel tressaillement à l’idée que cette éducation sentimentale était peut-être un danger, et qu’en voulant forcer la nature elle avait commis une faute irréparable… Oh ! bien irréparable, certes, puisqu’en soulevant pour lui un coin du voile qui enveloppe le monde moral, elle l’avait, en même temps, doté de la faculté de sentir, sans pouvoir l’exonérer de la misère de souffrir.