Page:Variétés Tome I.djvu/194

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telle sorte qu’il ne pouvoit plus parler, ains seulement haletoit et souffloit, l’entraisnèrent de ceste façon par la porte dudit cimetière du costé des halles, jusqu’au milieu de la Petite Friperie, où ils firent pose, pour l’exposer de nouveau à de nouvelles injures et mauvais traitements, disant : Voilà celuy qui a faict emprisonner M. Forget. De là ils achevèrent de le mener, sur les six heures du matin, en la maison dudit Amand, lequel, non moins passionné que les frippiers, et voulant avoir sa bonne part à leur felonie, fit aussitost battre la caisse par tout le quartier, posa corps de garde au devant et au dedans de sa boutique, et des sentinelles, comme à la garde des portes d’une ville. Pendant que la compagnie s’assembloit, on fit, l’espace de quatre heures et plus, souffrir audit Bourgeois, à la veue dudit Amand, toutes les indignitez que la rage peut suggerer : on luy tire et arrache la barbe et les cheveux, on le soufflette, on le perce et picque de poinçons et grandes aiguilles, on luy presse du verjus en grappe dans les yeux, et, pour l’accabler entierement de douleur, ayant demandé un peu d’eau à cause de la grande alteration qu’il avoit, on luy en presenta qui estoit corrompuë. Ce n’est pas là tout ; mais, ô barbarie inouïe ! l’on luy refusa la consolation d’un confesseur, qu’il demanda plusieurs fois, voyant et entendant la resolution que ses ennemis avoient prise de le massacrer inhumainement9.


9. Loret fait raconter par le patient lui-même toutes les indignités qu’il eut a subir avant sa mort :

« . . . . . . Helas ! ils me martirent,
Leurs rigueurs à tous coups s’empirent ;