Page:Variétés Tome I.djvu/204

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j’ay fait le voyage de Golgotha. Donnez-moy patience que je sois en meilleur poinct, et cependant faites plaider Goguier.

— Goguier ! Goguier !

— Monsieur le lieutenant, il est necessaire, avant que de plaider, de faire une reigle en vostre justice, et que vous ordonniez que l’audiance commencera à quatre heures du matin, que tout le monde est à jeun : car, pour mon regard (ny de plus d’une douzaine de mes compagnons), il nous est impossible de bien reciter ny faire entendre le faict de nos parties depuis huict heures du matin jusques à neuf heures au soir, que nous avons l’esprit preoccupé du son des pots et du remuement des verres3.

— Ho, ho ! par saint Lopin, si vous me faschez, je donneray licence aux parties de plaider sans vous, et feray ma justice consulaire, puisque vous coustez plus à saouler que le fonds du procès ne vaut. Sus, sus, dormez tout à vostre ayse ; chancelez comme de coustume ; parlez du coq à l’asne avec le plan : je


3. Les gens de justice, avocats et procureurs, passoient alors pour des piliers de taverne et de brelan :

Mais vous ne dites pas qu’ils sont fort desbauchez,
Et que tout leur estude est de jouer aux billes,
À la boule, à la paulme, aux cartes et aux quilles.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Puis les bons compagnons, comme le viel Lymière,
Le gros Grouart, Bricot, La Joue et La Rivière,
Dont le ventre à la suisse et le rouge museau
Temoignent qu’à leur vin ils ne mettent pas d’eau.

(La Responce à la misère des clercs de procureur, etc., par mad. Choiselet et consorts, ses disciples, Paris, 1638, in-8º, p. 8.)