Page:Variétés Tome I.djvu/206

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capture depuis peu de deux cent seize voleurs, au nombre desquels il y avoit vingt-deux manteaux rouges qui estoient à gages, et qui jettoient par le soupirail des caves4 ce qu’ils avoient butiné par la ville, qu’on avoit à vil pris, et en faisoit-on fort bien son proffit : car on sçait changer un manteau en pourpoinct, en chausse et en tout autre vestement, si bien qu’il estoit impossible de rien recognoistre. Or, à present, on a envoyé ces honnestes gens-là aux gallères, et nous avons de la peine maintenant à vivre et à gaigner nostre vie. Nous vous demandons justice.

— Levez la main tous. Par le serment que vous avez faict, estes-vous chrestiens ?

— Monsieur le lieutenant, à la verité nous tenons encores un tantay du judaïsme5 plus de deux douzaines d’entre nous, et neantmoins nous faisons


4. Cette connivence des fripiers et des voleurs appelés Rougets ou Manteaux-rouges duroit, à ce qu’il paroît, depuis long-temps. Il est déjà parlé, dans une pièce de 1614, de ces effets volés, jetés par les détrousseurs de nuit dans les caves des fripiers, leurs receleurs :

Ceux qui vous font gagner sont des tireurs de laine,
Desquels ceste cité est de tout temps si pleine.
Si de vos caves estoyent les soupirails bouschez,
Tant de manteaux de nuict n’y seroient tresbuchez.
Car, à ce que je voy, ils sont si bien hantez,
Que jamais, ô araignes ! vos toiles n’y tendez.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tous les habitz qu’avez viennent de ces penduz.

(Discours de deux marchands fripiers et de deux maistres tailleurs, etc., avec le propos qu’ils ont tenu touchant leur estat. Paris, 1614, in-8º, p. 6.)

5. Presque tous les fripiers des halles étoient juifs, mais