Page:Variétés Tome IV.djvu/299

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incommoderoit point de les venir voir. L’offre etoit trop agreable à nos dames pour la refuser ; aussi l’acceptèrent-elles de grand cœur, et, sur la permission qu’elles en donnèrent, le marquis entra, dans un equipage si plaisant que j’ay cru ne vous pas deplaire en vous en faisant la description13. Imaginez-vous donc, Madame, que sa perruque estoit si grande qu’elle balayoit la place à chaque fois qu’il faisoit la reverence, et son chapeau si petit qu’il estoit aisé de juger que le marquis le portoit bien plus souvent dans la main que sur la teste ; son rabat se pouvoit appeler un honneste peignoir, et ses canons sembloient n’estre faits que pour servir de cache aux enfants qui jouent à la clinemusette. Et en verité, Madame, je ne crois pas que les tentes des jeunes Messagettes14 soient plus spacieuses que ces honorables canons. Un brandon de galands luy sortoit de sa poche comme d’une corne d’abondance, et ses souliers estoient si couverts de rubans qu’il ne m’est pas possible de vous dire s’ils estoient de roussy de


13. Ce passage, le plus curieux du Récit, à cause des détails qu’il donne sur le costume de Molière jouant le marquis de Mascarille, et par conséquent très précieux pour la tradition du rôle, a été reproduit en partie par M. Aimé Martin, dans sa dernière édition de Molière, comme note de la scène 9 des Précieuses, et par M. Jules Taschereau, d’une façon plus complète, dans l’un des savants articles qu’il a consacrés à l’Histoire de la troupe de Molière. V. le journal l’Ordre, feuilleton du 8 janvier 1850.

14. Voilà un souvenir du Cyrus, où les Massagètes et leur reine tiennent une si belle place, qui n’est pas hors de propos dans une pièce sur les précieuses.