Page:Variétés Tome IV.djvu/357

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L’indisposition du roy nous a donné à penser ; mais, graces à Dieu, il est hors de danger. Le millord Giffort luy a faict toucher dix mil angelots, qui ont aussi tost esté employez aux frais de la guerre9, et despensez en moins d’un jour. Les finances et les munitions de guerre manquent ; faute d’argent, l’on ne peut tirer secours d’Allemagne pour l’année présente. Le duc de Saxe s’est montré fort froid en la cause de Dieu ; les Venitiens nous paissent de parolles ; la charité est refroidie de tous costez. Les fidelles de la France n’espèrent rien que de Vostre Majesté, qui commandera, s’il luy plait, à voz troupes de s’advancer sans aucun retardement ; ce ne


été à lui, si une servante qui étoit sortie à la recherche d’une sage-femme pour sa maîtresse, prête d’accoucher, ne se fût effrayée de voir les rues pleines de gens armés et n’eût tout à coup donné l’alarme. L’enfant qui naquit de cet accouchement sauveur pour Genève étoit une fille qui devint l’une des femmes les plus charmantes du XVIIe siècle : c’est Mme d’Hervart, la protectrice de Lafontaine, l’amie de Saint-Évremond. Ce dernier, dans l’épître qu’il lui adressa, rappelle ainsi la singularité providentielle de cette naissance :

Ce ne fut point par un hazard
Que Genève fut conservée ;
L’étoile de madame Hervart
De l’escalade l’a sauvée.

(Œuvres de Saint-Évremond, Londres, 1706, t. 5, p. 298.)

9. Peu de jours après le combat d’Arques, Henri IV avoit ainsi reçu d’Élisabeth 20,000 livres en or pour la solde de ses troupes.