Page:Variétés Tome VI.djvu/31

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n’avez-vous point appris par ouyr dire pourquoy vous voyez tant de gens bottez ? Il y a icy, je me doute, de la ruse et de la finesse cachée. — Je vous le diray, puisqu’il vous plaist me faire cest honneur que bevions icy particulierement au fond de ceste cave : personne ne nous orra. C’est (mais à vos graces cependant) qu’un certain quidam, gentil-homme sans nom, botté et espronné comme un cocq, mais sans cheval, est arrivé en ceste ville n’y a pas long-temps, et, feignant estre quelque grand entrepreneur, promit à plusieurs un secret pour paroistre galand homme et contre-faire le courtisan. Ô ! que cela plaist à plusieurs aujourd’huy, qui demandent à ces pauvres col-porteurs : Et bien ! mon maistre, y a-il rien de nouveau ? Qu’est-ce que tu as là dans ta bale ? N’est-ce que cela de nouveau ? Et disant cela n’oublient une autre nouvelle façon de se curer les dents ; mais, helas ! les miserables n’ont encor desjeuné, quoy qu’il soit trois heures après midy, faute d’un sol pour demy-septier et deux liards de pain, et ils demandent de la nouveauté. C’est bien raison, puis que Moustafa porte des bottes, cheminans superbement les mains sur les costez comme pots à anses, dedaignans moustachiquement tout ce qu’ils rencontrent. Leurs foudroyantes espées peuplent presque tous les cimetiers de corps, lesquels, après avoir esté tuez de tels gens, ne laissent de se bien porter par après2, et qui pis est, de leur regard louchant soubs un branlant pennache de demy-


2. C’est à peu près le vers du Menteur :

Les gens que vous tuez se portent assez bien.