Page:Variétés Tome VIII.djvu/203

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Non, le forçat n’a point si rude guerre
Que celuy là que la prison enserre ;
Car le captif est tout rongé de soing,
Hoste forcé de quatre grands murailles,
Et le forçat fréquente les batailles,
Sans le plaisir qu’il a d’aller au loing.

Ceux là qui sont condamnez par justice
Sont secourus par la mort du supplice ;
Car par la mort vont cessant les douleurs
Où le captif cent mille morts espreuve ;
Car, en lieu d’homme, en prison il se treuve
Hidre fecond d’angoisses et malheurs.

Ceux là qui sont aux feux insatiables,
Ne peuvent estre encor’ si miserables :
Ils n’ont que l’ame en peine et en tourment,
Où le captif souffre de corps et d’ame ;
Car la prison sert à son corps de lame,
Et à l’esprit son corps de monument.

Les passions de cent douleurs cruelles,
Que cent mille ont par menues parcelles,
Le prisonnier les endure tout seul ;
Car la prison, sa mortelle ennemie,
Le couvre tout de playe et d’infamie,
Et aux vivans elle sert de cercueil.

Il est encor en plus extresme peine
Que celuy là que la pauvreté meine
Dans l’hospital, saisi d’infirmité ;
Car là dedans mainte et mainte personne