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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/101

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après-midi, avec ce ciel de cataclysme, pour commencer le portrait d’Aurore. Vais-je devoir sortir ma vieille lampe à pétrole ?

Oh ! et puis tant pis ! tant pis pour cela, tant pis pour tout ! Encore deux jours !… dans le provisoire, dans le provisoire merveilleux et sans espoir de l’intimité avec Aurore…

Mais je n’ai rendez-vous avec elle qu’à 11 heures et demie, comme hier, au même endroit. Et il n’est que 8 heures. Que devenir jusque-là ? Rester ici dans l’atelier ? À regarder pousser le lichen sur la lampe ? Ah non ! je deviendrais enragé !… Ou essayer de travailler au pétrole ?… Non, je ne saurais pas, je suis trop impatient, trop trépidant. Il me faut sortir, circuler par les rues.

Mais, au lieu de rendre visite à mes marchands, comme il le faudrait, je me décide à aller voir mon oncle Frémiet, le photographe. Je vais m’entendre avec lui pour qu’il prenne tantôt une douzaine de clichés d’Aurore. Avec ces documents-là, même si elle ne me donne qu’une ou deux séances de pose, aujourd’hui et demain, je pourrai continuer (je n’ose dire : terminer) son portrait de mémoire. Sans être doué comme un Alma Taddéma, qui peignait de souvenir des sites ou des visages vus plusieurs années auparavant, j’ai une bonne mémoire visuelle, au-dessus de la moyenne…

Mon oncle habite tout là-bas, au haut du boulevard Saint-Michel : de quoi passer une heure rien qu’avec les trajets, métro et autobus…