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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/102

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Pourquoi a-t-elle choisi de nouveau comme lieu de rendez-vous le Terminus Saint-Lazare ? Parce qu’elle a fait encore une séance aux Galeries Lafayette en vue de remonter sa garde-robe ; elle ne néglige pas la coquetterie féminine, mais se moque des couturières en renom ; la présentation des mannequins et les essayages chers au snobisme l’horripilent ; elle veut pouvoir choisir un costume tout fait ; et elle a une telle harmonie de formes, une telle élégance innée, que n’importe quelle « confection », qui fagoterait toute autre femme, l’habille à merveille. Sans la perte de temps, et quoique disposant de nombreux dollars, elle ferait ses toilettes elle-même.

J’étais en avance d’un quart d’heure. Et, tout en cherchant par acquit de conscience après elle dans le café, du premier coup d’œil je m’aperçus que les choses n’allaient pas droit. L’éclairage électrique, comme de juste fonctionnait à plein, vu le « fog ». Près de la porte, un garçon était sur une échelle double, en train d’épousseter rageusement un globe dépoli tout barbouillé d’un revêtement de crasse rouge. Le Lichen ! Et je flairai dans l’air l’odeur caractéristique. Au fond de la salle à droite, deux électriciens pareillement juchés auprès d’une cent-bougies en activité, dépouillée de son globe, raclaient sur les fils des lanières coriaces d’un feutre vermillon renaissant presque au fur à mesure sous leurs doigts. Les globes et appliques dont ils ne s’occupaient pas encore étaient à divers stades de l’envahissement. La clarté rougeoyante des plus atteints perçait à peine la croûte