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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/108

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renseigner mon oncle ? Je lui adressai à la dérobée un vigoureux signe de dénégation, avec un haussement d’épaules et de sourcils exprimant l’impuissance. À quoi bon dire la vérité, puisque nous n’avions aucun remède à offrir ?

— Opérons vite, pria le photographe.

Et, modifiant sur mes indications la pose du sujet entre chaque cliché, il prit une dizaine de plaques : face, profil, trois-quarts, sous des angles plus ou moins relevés, comme il est de règle en pareil cas.

Au dixième cliché, les ampoules-phares, envahies de la fatidique dentelle corail, ne donnaient plus que les deux tiers de leur puissance lumineuse.

Mon oncle fit claquer les commutateurs avec rage.

— Si ça continue, je n’ai plus qu’à fermer boutique, tonnerre de Brest !

Mais son naturel insouciant prit vite le dessus, et m’attirant un peu à l’écart, il retrouva sa joviale bonhomie pour m’inviter « à la fortune du pot ». J’objectai :

— Vous êtes bien gentil, mon oncle, mais j’ai déjà prié ma cliente, Mlle Aurette Constantin, à dîner avec moi en ville…

En dépit du succès matériel qui a fait de lui, sur le tard, le plus grand photographe de la rive gauche, le père Frémiet est toujours resté un peu bohème et sans façon. Il répliqua, pour Aurore autant que pour moi :

— En ville ! Hé, monsieur mon neveu, te crois-tu donc en dehors de Paname, dans mon quartier latin ?