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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/109

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Invite donc Mlle Constantin à partager avec toi le brouet de ta vieille ganache d’oncle. Ta tante n’admettra pas de refus, et j’ose dire que vous ne mangeriez pas mieux au restaurant.

La perspective ne me souriait guère ; mais Aurore, amusée par la jovialité de mon oncle, et peut-être curieuse de voir un intérieur de bourgeois parisiens, accepta, et il me fallut céder.

C’est ainsi que nous dînâmes à la table des Frémiet, ce soir-là. Ma tante, sauf en politique et en religion, où elle se borne à soupirer en levant les yeux au ciel, des propos subversifs ou irrévérencieux de son grand homme de mari, salue comme des oracles toutes ses décisions ; elle accueillit sans rechigner l’étrangère que j’amenais, et ne tarda pas à lui faire fête en la voyant apprécier sa cuisine ; car Mme Frémiet s’enorgueillit avec raison de ses talents de cordon-bleu. Mais, à peine au milieu du repas, un développement impétueux de lichen envahit les ampoules et les fils de la suspension, d’où la poudre rousse neigeait à foison dans les plats ; il fallut renoncer à l’éclairage électrique pour allumer les lampes à pétrole prévues en cas de panne. Mon oncle faisait contre mauvaise fortune bon cœur et s’efforçait de dissimuler sa contrariété, non moins que les démangeaisons dont il était dévoré. Le jeune Oscar Frémiet (13 ans), qui se plaignit tout haut, en enfant terrible, d’être « bourré de puces », attrapa une taloche. Ma tante craignait surtout pour ses plats ; mais le soufflé