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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/13

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pas une fois comme vous, mais huit ou dix ; le plus souvent que je l’ai pu… » Mais quels éclats de rire de Géo, quelle joviale plaisanterie d’Alburtin, quelle moue scandalisée de la vieille dame, quels ricanements de Luce ne me serais-je pas attirés, en ajoutant l’aveu qu’il m’eût été impossible de retenir : « Je l’ai vue… et je la trouve adorable ! »

Sagement, je me tus, comprenant moi-même tout le ridicule de mon sentiment romantique et romanesque. S’éprendre d’une beauté professionnelle de cinéma ; d’un Rudolph Valentino quand on est femme ; d’une Pola Négri quand on est homme, passe encore ; il y a la contagion, l’esprit d’imitation, le snobisme. On subit le prestige d’un visage aimé par des milliers d’humains. Mais dans mon cas personnel, l’explication ne tenait pas. Ces gens à passions cinématographiques y sont prédisposés ; ils s’éprennent tour à tour de toutes les grandes vedettes, de toutes les stars. Chez moi, au contraire, il suffisait qu’une idole du public parût à l’écran pour que mon instinct individualiste se hérissât contre elle : cette multiplicité d’hommages, loin de me séduire, bloquait mes sentiments au-dessous du point de congélation. Pas une fois dans ma vie je n’avais ressenti l’attrait d’un visage célèbre. L’émotion éprouvée devant Aurore Lescure était unique dans mon expérience.

La première fois que j’avais vu ce visage surgir, après un titre lu avec indifférence, je savais à peine de qui il