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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/154

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— Le lichen a envahi le tunnel ; le train est cimenté dedans ; nous allons être écrasés, asphyxiés…

Chacun surveille ses voisins, tendu, n’attendant qu’un signe… et ce sera la panique. Je vois les lèvres d’Aurore frémir ; ses yeux cherchent dans les miens un sang-froid qui est en train de me fuir, sous l’aspiration de la folie unanime. Désespérément, je me réfugie dans l’idée fixe de protéger Aurore, à tout prix. Je me penche vers elle :

— Attention, ma chérie.

Elle est adossée dans l’angle formé par un dossier de siège et par la glace du wagon. Je me tourne un peu et l’enferme dans la barrière de mes deux bras, les mains sur la barre d’aluminium.

— Ne bougez pas. C’est par cette porte-ci qu’on nous fera sortir, puisqu’il y a l’échelle de secours pour descendre sur la voie.

Dehors, le tunnel s’emplit de cris, de bruits de pas : une galopade de troupeau en déroute. Les voyageurs des autres voitures qui fuient vers la station ?…

Dans notre wagon, tout le monde court aux portes de l’avant, et, dans la pénombre rougeoyante des ampoules envahies, on s’acharne sur les poignées, on tente d’écarter les battants. En vain : ils sont bloqués.

— Et nous ? On ne nous délivre pas ? On va nous laisser crever. Employé ! Ici ! Le wagon de première !… Et aïe donc ! passons par les fenêtres !

Un fracas de glace cassée. Au dehors, le gros des