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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/153

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sourde rumeur mêlée de craquements, de froissements, de crépitations… l’énorme poussée du Lichen en travail. Et aussi le ronflement d’un violent courant d’air, dont on sentait le remous, par les vasistas ouverts.

— Vous entendez ? me dit Aurore. C’est l’appel d’air créé par la nutrition du lichen, qui absorbe en masse l’atmosphère du tunnel.

J’admirai sa présence d’esprit scientifique.

Mais, derrière moi, un cri aigu, étranglé, de femme jaillit. Je me retourne, comme tous les voyageurs.

— Là, là ! Il m’a touché le cou… C’est tout chaud…

Une grosse boulotte, les traits décomposés d’effroi sous son fard, les yeux exorbités, désigne, au haut de la glace, un vasistas d’aération ouvert, par où a surgi une hideuse chose rouge, comme un poing écorché. On se bouscule pour tâcher de voir. En y regardant mieux, je distingue derrière la glace, parmi les reflets des objets intérieurs éclairés, dans le noir du tunnel, un énorme tentacule de lichen, que sa croissance a introduit par le bout dans le wagon.

— Les champignons !… le Lichen !… la Xénobie !…

Tous les noms appliqués aux végétations cosmiques jaillissent à la fois. On a compris le danger : la poussée s’accélère, foudroyante.

Piaillements aigres de femmes ; exclamations apeurées, indignées :

— On n’aurait pas dû nous laisser partir…

Un alarmiste affirme, persuadé :