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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/156

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la clarté de l’acétylène révèle le rouge fouillis hérissé du lichen, qui, de dessous le wagon, allonge ses tentacules.

J’espérais que, vu notre position favorable, Aurore et moi serions les premiers à descendre après lui ; mais tous les voyageurs ont reflué en masse vers cette portière-ci.

La disparition du falot nous a laissés dans une obscurité presque complète ; les lampes, livrées à elles-mêmes, ont achevé de se masquer. Cramponné d’une main à une barre, maintenant Aurore devant moi de l’autre, je réussis d’abord à garder notre rang de priorité, malgré la poussée ; mais au moment où, lâchant la barre, j’avance la main vers la rampe verticale surmontant l’échelle, un grand diable en profite pour rabattre mon bras d’un coup de poing, me repousse furieusement, prend ma place, et descend.

Deux secondes, tout au bord de l’ouverture béante, coincé parmi l’affreuse bousculade du premier rang, où l’on joue des coudes pour résister à la pression, j’oscille, sans plus rien pour me retenir et avec Aurore dans mes bras, cambré de toutes mes forces…

— Ne poussez pas, tonnerre ! Laissez descendre !

Un remous me secoue… nous sommes basculés à bas.

Pas directement sur le ballast. Des branchages amortissent la chute, cassant sec comme des baguettes de sureau. Je roule sur le flanc ; ma compagne sur moi ;