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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/157

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elle n’a même pas heurté le sol. Relevée la première, elle m’aide à en faire autant.

— Pas de mal, Aurette ?

— Pas de mal, Gaston !

L’échelle, à deux pas de nous, dégorge un à un les fuyards. La main dans la main, nous nous insérons dans la file indienne, car l’espace entre le wagon et la paroi du tunnel n’est pas assez large pour deux de front.

Sous nos pieds, le chemin est frayé ; mais la prolifération continue avec frénésie, sous les voitures : masse confuse d’où saillissent, tels des membres menaçants, des tentacules qui nous frôlent au passage. Les cris des fugitifs, en avant de nous et derrière, ne couvrent pas la rumeur confuse du lichen en travail ; il emplit le souterrain de sa poussée géante et affolée, Et, toujours plus fort, te grondement du formidable torrent d’air qui nous flagelle la figure et contre lequel nous peinons. Bravement, Aurore me suit ; je la sens qui trébuche.

— Je ne vais pas trop vite ?

— Non, non !… Allez, il y a quelqu’un qui me marche sur les talons.

Et, devant nous, derrière nous, dans la file trottante, toujours les cris :

— Plus vite !… Accélérez !

Dépassées, les deux premières voitures de seconde aux intérieurs évacués, aux lampes sanguinolentes… Nous voici dans le noir ; sur la lueur du falot à acétylène perdue au loin, profilent les rouges stalactites. Je me