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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/167

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je crus à la puissance absolue de la volonté humaine ; j’oubliai ma croyance habituelle, que nous sommes entre les mains des dieux : nos dieux intérieurs et ceux des événements… Et, par une inconséquence ultime, j’allai jusqu’à reprocher à Aurore de m’avoir fait cet aveu, de m’avoir laissé comprendre qu’elle m’aimait, alors que je commençais de m’habituer à notre situation réciproque, alors que je me résignais à n’être pour elle qu’un bon camarade… Tant l’illusion rétrospective de la passion peut transformer et fausser le souvenir de nos propres sentiments !

Mais peu importent, je le répète, les souffrances morales que j’endurai ce jour-là et tout ce que je me promis de lui dire le lendemain, à la séance de pose. Rien de tout cela ne se réalisa, pas même cette dernière.

Mieux vaut donner un aperçu de la situation dans Paris, ce soir-là et le lendemain. Cette période de ma vie est en général tellement intriquée avec l’histoire du Lichen, que je ne puis raconter mes souvenirs de l’une sans parler de l’autre. Mais durant les dix-huit heures en question, le Lichen seul a de l’importance, et je puis me dispenser de mentionner mon modeste personnage : je ne me prends pas systématiquement pour le centre du monde.

Pour cette fois, au lieu d’énumérer les événements dans l’ordre où je les appris, j’anticipe sur les nouvelles du lendemain, pour parler des faits concernant les transports en commun.