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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/209

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garantis » de trains omnibus pour Le Havre, Dieppe, Cherbourg… Au fond, sous le hall des quais, silencieux et morts, les rails luisaient, déserts.

Je regagnai la rue. Dès à présent, la circulation s’était sensiblement raréfiée ; pour deux autos qui roulaient, une était en panne, le long du trottoir. Les agents à bâtons blancs laissaient faire ; on n’observait même plus le sens unique. Et, détail significatif, à la circulation mécanique se mêlaient, déjà nombreuses, des voitures hippomobiles : antiques coupés, calèches préhistoriques, fiacres de l’Urbaine. Il y en avait donc encore ! Et qui eût cru que, en dehors des étaux hippophagiques, Paris recélât autant de moteurs à crottin !

À part ce changement, qui rendait sensible le recul de la civilisation et dont se réjouissait sournoisement, je dois l’avouer, mon œil de peintre avide de pittoresque, l’atmosphère morale de la ville semblait peu altérée. Les chômeurs forcés restaient chez eux, il faut croire, ou du moins ne s’aventuraient pas dans les quartiers de l’Opéra, de la Madeleine ou des Champs-Élysées. Les travailleurs du gaz, en revanche, abattaient de la besogne ; j’en vis, dans la rue Royale, qui rétablissaient des réverbères de fortune, sur les pylônes de candélabres électriques.

En pleine rue Royale, aussi, bravant impunément les ordonnances de voirie, des charrettes de zébi stationnaient le long des trottoirs ; mais les marchands, psychologues avisés, affichaient deux qualités (probablement