Aller au contenu

Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus désorganisée que la mienne, provisoire et en suspens. Je me désintéressais de mon avenir personnel, de mon travail ; ma résolution même de continuer le portrait d’Aurore pendant son absence, grâce aux photos documentaires, s’évapora… Je vivais dans l’attente des nouvelles ou du retour de la bien-aimée… Je devenais le témoin impartial, l’observateur désintéressé. Et je crois que la plupart des gens éprouvaient, chacun pour son compte et pour des raisons différentes des miennes, une impression analogue. On attendait…

Pas plus pour cette période que pour la précédente, je n’ai la prétention de faire l’historique de l’invasion du Lichen. D’autres, mieux qualifiés, s’en sont chargés avec un talent littéraire que je n’ai pas. J’en ai parlé jusqu’ici en fonction uniquement de mon aventure personnelle avec l’importatrice des cosmozoaires. Je continue à faire de même ; mais mon sort propre, pour la durée de la Grande Panne, est noyé dans le plan social.

Habitué comme chacun à vivre pour mon compte, dans une civilisation aux rouages bien huilés, sans presque m’apercevoir de son fonctionnement, je sentis tout à coup son existence, tel un homme sent l’existence de son foie, du jour où il est atteint d’une affection hépatique.

Le décret, appelé par les vœux de tous, fut accueilli dans Paris comme un mal nécessaire. On se résignait à une obéissance inévitable… ainsi qu’il arrive dans les nombreux cas où la docilité aux lois résulte beaucoup