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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/27

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Attitude assez incorrecte pour des spectateurs non prévenus. Nous n’en avions que pour quatre kilomètres de descente, mais le crépuscule débutait à peine, et comme par un fait exprès, nous ne croisâmes pas moins de trois grosses voitures de tourisme, dont les occupants, des étrangers, nous lancèrent au vol des regards surpris, ironiques ou scandalisés, qui disaient clairement : « Quels sans-gêne, ces amoureux français ! »

Seule, une connaissance d’Alburtin, le grand viticulteur de Cassis, M. Botin, dont la Renault nous rattrapa vers les premières maisons de la ville, regarda mieux, comprit, et ralentissant, interrogea :

— Un accident, docteur ?

— Oui, une malade que j’emmène à ma clinique, répondit Alburtin, évasivement.

Les virages dangereux de l’entrée de Cassis le dispensèrent d’en dire plus et nous séparèrent de notre questionneur, qui continua par la route de Marseille. Je sus gré à Alburtin d’observer la discrétion dont nous avait priés la jeune fille. Il n’eut d’ailleurs pas à dépister d’autres interrogations. Sur les cinquante mètres du parcours, la rue Droite était déserte, et quand nous arrivâmes à la porte de la clinique, il n’y avait pas un visage humain aux environs.

Ces quelques minutes depuis le col de Bellefille avaient passé pour moi comme un rêve, où j’oubliai mon rôle de garde-malade. Cette naufragée des espaces, cet ange matérialisé de l’écran, je la tenais comme une conquête,