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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/28

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comme une proie, dans l’ivresse d’un provisoire miraculeux, sans songer que ces instants dussent jamais finir. Je me faisais l’effet d’être moi-même aussi peu réel qu’un personnage de cinéma… de vivre un épisode de film…

Je revins à la réalité quand, l’auto stoppée, Alburtin et une nurse me prirent des bras mon exaltant fardeau pour le transporter dans la maison. Machinalement, je sautai sur le trottoir et m’apprêtai à les suivre. Mais Alburtin, qui marchait à reculons dans le couloir, le premier, portant la jeune fille par la tête (la nurse tenait les pieds), me jeta :

— Restez donc à dîner avec nous, Delvart ; ma femme vous tiendra compagnie. Dans cinq minutes je redescendrai vous donner des nouvelles.

Et, tandis que Mme Alburtin s’avançait sur le seuil, avec un sourire de bienvenue, je dissimulai ma gêne et ma déception en tirant de la voiture la valise en peau de porc et la boîte aux « météorites ».

Vis-à-vis de la doctoresse, dépositaire habituelle des secrets professionnels de la clinique, je ne me sentais pas tenu à la réserve ; et une fois attablé avec elle devant un verre de porto, sans autre réticence que de taire mes sentiments intimes, je lui confiai l’étonnante rencontre.

Mais la dame ne parut pas apprécier comme moi la beauté de l’aventure. En femme pratique et avisée, elle y voyait surtout une aubaine pour son mari, dont le nom allait s’associer, dans les « papiers » des journalis-