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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/7

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Son frère lui-même la blague, à l’occasion :

— Ô Lucy ! Tu n’as aucun sens moral !

Géo en a, lui, ou croit en avoir. Le sens moral du second quart du XXe siècle. Il ne dédaigne pas les petits profits, commissions, pourcentages et ristournes que peut lui valoir sa situation d’ingénieur, dans les usines du grand fabricant d’avions Hénault-Feltrie, à Saint-Denis. Sa passion est pour les autos. Il a muni récemment sa voiture d’un nouveau dispositif, qu’il appelle « turbo-compresseur », et il en a plein la bouche.

— Avec ce truc-là sur ma vulgaire petite Renault, je gratte n’importe quelle bagnole de marque. L’autre jour, en venant de Paris avec maman et Luce sur la route entre Arles et Miramas… dans la Crau : 30 kilomètres en ligne droite et en palier… je rattrape une grosse hispano qui marchait peinard, à 50. Ils me laissent arriver à 10 mètres derrière eux, mais comme de juste, au moment où j’allais les rejoindre, ils pressent l’accélérateur… Ftt ! du 80. Moi, j’ouvre en grand mon « turbo » : Rrran !… comme un moteur d’avion. Klaxon. Et je les passe à 140. Mes bonshommes en sont restés comme deux ronds de flan.

Au rappel de cet exploit de son fils, qui lui donne encore la chair de poule, rétrospectivement, Mme de Ricourt murmure :

— Quelle horreur ! Du 140 ! Mon Géo, tu pouvais nous tuer tous les trois !