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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/83

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Les coupoles de la Basilique se profilaient à peine sur les premières lueurs de l’aube, lorsque je sonnai, et la porte ne s’ouvrit qu’à ma troisième récidive. Il me fallut parlementer avec la concierge ensommeillée, qui n’attendait pas mon retour avant une quinzaine et qui ne voulait pas admettre que ce fût bien moi.

Un sentiment d’abandon et de découragement m’oppressa en me retrouvant dans mon atelier. J’allumai toutes les ampoules, mais le désordre de la pièce laissée à l’abandon, avec ses toiles éparses, acheva de m’inspirer du dégoût. Soudain, je perçus la folie de ce retour. Encore une de ces « foucades » que feu mon père m’a si souvent reprochées ! « Cerveau brûlé ! » disait-il justement… « Tête d’artiste », comme proférait avec plus d’indulgence ma bonne mère. Je n’en ferai jamais d’autres, décidément ! Après m’être engoué d’une américanisante Danaé qui me tournait en bourrique, aller m’éprendre romanesquement d’une célébrité mondiale malgré elle, qui me considère comme un bon camarade, apprécie mon dévouement, mais c’est tout… et qui est déjà fiancée, en outre, résolue à faire un mariage de raison, de froide, scientifique et américaine raison !…

S’il est vrai qu’une grande passion est celle qui n’est pas partagée, me voilà embarqué pour vivre la plus frappante illustration de cet axiome !

Avec tout cela, mes toiles restées à Cassis ; dans quel état vont-elles me parvenir, si elles sont emballées par des profanes !… Et j’en ai besoin ; il me faut de