Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/194

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triste pronostic pour l’avenir de l’art. L’habitude et l’entêtement des écoles qui ravalent tout ce qui leur est étranger, les allures pillardes et dédaigneuses de l’éclectisme qui s’applaudit dans le présent, appauvrit l’avenir et méconnaît le passé ; toutes les insolences enfin, toutes les mesquineries, toutes les fraudes vaniteuses et les convictions niaises d’une époque qui se boursoufle et va se corrompre, rendaient le Vasari tout aussi peu propre qu’un autre à écrire l’histoire des artistes primitifs. Aussi, quoiqu’il soit vrai que la manière dont il se pose soit fort naturelle, elle n’en fait pas moins peine. Il se pose en homme qui sent l’importance de son siècle, de sa ville, de son école, de son propre talent, de sa propre autorité. Or, quand on pense que tout cela s’en allait à la fois à la dérive, on est surpris de ne point entendre quelques mots d’ardente vénération et de pieux regrets. Loin de là, le Vasari oubliera ou jugera sommairement tels ou tels pauvres anciens. Il vous dira, dans tout le cours de son livre, avec la plus incroyable complaisance : Moi ou tout autre comme moi, nous avons judicieusement amélioré, réparé, changé, corrigé ou mis par terre, tels et tels ouvrages grossiers des premiers temps. Et peut-être aurait-on à regretter davantage si, par une très étrange et cependant fort ordinaire bigarrure d’esprit, l’école toscane, malgré sa fatuité présente, n’avait pas tenu autant à faire remonter loin sa noblesse artistique, pour mieux établir la supériorité de son instinct national et la propriété de ses principes. Peut-être le Vasari n’eût pas voulu, sans ces