Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/699

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entendre parler un nouveau saint Paul. Il étudia à fond les poésies du Dante, et souvent il en citait des passages à l’appui de ce qu’il disait. Jamais son imagination n’était en repos ; il aimait surtout à discuter avec Donato sur les difficultés de l’art. Les deux amis s’expliquaient franchement sur le mérite ou les défauts de leurs propres ouvrages. Donato, après avoir achevé le Crucifix en bois qui fut placé à Santa-Croce de Florence, au-dessous du tableau de saint François, peint par Taddeo Gaddi, voulut connaître ce qu’en pensait Filippo ; mais il s’en repentit, car celui-ci lui répondit qu’il n’avait mis en croix qu’un paysan. Piqué de cette critique, Donato, comme nous le racontons dans sa vie, s’écria : « Eh bien ! prends du bois, et essaie toi-même de faire un Christ. » Filippo supporta patiemment cette boutade, retourna chez lui, et y resta renfermé pendant plusieurs mois, qu’il employa à sculpter un Crucifix en bois, d’un dessin et d’une exécution si admirables, que Donato, en le voyant, laissa rouler par terre les œufs et les autres provisions qu’il apportait pour déjeuner avec son ami. Il ne pouvait se lasser de contempler les bras, les jambes, le torse et l’ensemble de cette figure. Non seulement il s’avoua vaincu, mais encore il publia partout les louanges de Filippo. Ce Crucifix est aujourd’hui à Santa-Maria-Novella, entre la chapelle des Strozzi et celle des Bardi de Vernio  (3).

La réputation de nos deux artistes engagea la corporation des bouchers et celle des menuisiers à leur commander deux statues de marbre, destinées