Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/880

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êtres de nature mortelle, que le ciel sur la terre ? Mais, disons-le franchement, ces gens-là ont une âme abjecte et corrompue. S’ils étaient chastes, comme ils tâchent de le persuader par leurs déclamations stupides, au lieu d’accuser ces choses d’impureté, ils n’y verraient qu’un hommage rendu au Créateur duquel émanent toute perfection et toute beauté. Que feraient donc ces gens-là qui se laissent si facilement émouvoir par une image, par une ombre, que feraient-ils donc s’ils se trouvaient en présence d’une beauté vivante, au costume voluptueux, aux douces paroles, aux mouvements gracieux, aux œillades brûlantes ? Que l’on ne croie pas néanmoins que j’approuve ces figures presque entièrement nues que l’on rencontre dans nos églises, et qui montrent le peu de respect du peintre pour la sainteté du sanctuaire. Tout en voulant déployer son talent, il faut savoir se plier aux circonstances, et avoir égard aux personnes, aux temps et aux lieux.

Fra Giovanni était d’une simplicité de mœurs et d’une naïveté extraordinaires. Un jour le pape Nicolas V l’ayant invité à manger de la viande, il s’en fit conscience parce qu’il n’avait pas la permission de son prieur, oubliant ainsi l’autorité du souverain pontife. Il évitait avec soin toutes les intrigues du monde, et se montra toujours tellement l’ami des pauvres, que, selon moi, son âme doit maintenant habiter le ciel. Sans cesse occupé de peinture, il ne voulut jamais employer son pinceau qu’à représenter des sujets pieux. Il aurait pu facilement acquérir des richesses ; mais il n’en faisait aucun cas, et disait