Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/881

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qu’elles consistent à se contenter de peu. Il aurait pu commander ; mais il s’y refusa constamment, prétendant qu’il est plus aisé d’obéir. Il aurait pu obtenir de hautes dignités ; mais il les dédaigna, affirmant qu’il ne cherchait qu’à éviter l’enfer et à gagner le paradis. Plût à Dieu que les hommes n’eussent jamais que cette sainte ambition ! D’une sobriété et d’une chasteté extrêmes, il sut éviter les pièges du monde, répétant souvent que le repos et la tranquillité sont nécessaires à un artiste, et que celui qui peint l’histoire du Christ ne doit penser qu’au Christ. On ne le vit jamais se mettre en colère, ce qui me paraît presque incroyable. Il se bornait à reprendre ses amis avec douceur et en riant. Il n’accepta aucun travail sans avoir d’abord demandé l’agrément de son prieur. Enfin, toutes les actions de ce bon père sont empreintes d’humilité et de modestie. Ses tableaux, pleins de facilité, respirent la dévotion la plus profonde. Les saints qu’il peignit se distinguent par un aspect divin que l’on ne rencontre chez aucun autre artiste. Il avait coutume de ne jamais retoucher ni rarranger ses ouvrages ; il les laissait tels qu’ils venaient au premier coup, croyant, disait-il, que Dieu les voulait ainsi. On assure qu’il n’aurait pas touché à ses pinceaux avant d’avoir fait sa prière. Il ne représenta jamais le Sauveur sur la croix, sans que ses joues fussent baignées de larmes ; aussi les visages et les attitudes de ses personnages laissent-ils deviner toute la sincérité de sa foi dans la religion chrétienne. Il mourut en 1455, à l’âge de soixante-huit ans (6). Il compta parmi ses