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les villes à pignons


On mange, avec ferveur et violence ;

Les appétits larges et fastueux,
Bouches pleines, lèvres froissées,
Font merveille de l’un à l’autre bout
Des deux tables, face à face dressées.
On y boit ferme, et coup sur coup.
L’ample hôtesse, dont les chairs reluisent et bougent,
Travaille, à larges bras, dans l’or des fourneaux rouges,
Incendiant la sauce avec des piments frais ;
Sa claire et fraîche humeur ne se lasse jamais ;
Elle prodigue le sel et le poivre à la livre,
Pour qu’aux tables, là-bas, les brocs entreheurtés
Soient largement vidés à la santé

Des autres brocs qui les vont suivre.


Le haut sonneur Mandus Calix,

Qui ne manqua jamais la plus mince kermesse,
Raconte alors quelles prouesses
Illustrèrent les gros mangeurs du temps jadis.
Son aïeul Nol engloutissait dans sa bedaine
Trois porcs entiers, au bout d’une semaine ;
Jan Klaverdonk, toujours creux et dispos,
Ayant autour de lui rangé trente chopines,
Expédiait quatre jambons de la Campine
En les rongeant jusques à l’os.
Son père à lui, Nestus Calix, marchand de pommes,

Eût avalé, pour son repas, Anvers et Rome ;