Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/129

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Il marchait sur la grève, et doucement songeait,
Et dans la brise claire, où tout son corps plongeait,
Il lui semblait sentir des caresses connues :
Deux mains fluides glissaient contre ses tempes nues,
Si bien que son esprit ardent et exalté
Jurait que ces deux mains de joie et de bonté
Venaient vers lui en traversant l’immensité.

Elle, là-bas, au bord des landes familières,
Dans son logis vibrant de fleurs, ailé de lierres,
Se souvenait et ne vivait que pour l’absent.
Armoire où s’enfermaient les missives aimées,
Larges fauteuils, divans moelleux, coussins pesants,
Où l’empreinte restait de leurs têtes pâmées,
Cristal du miroir glauque, où leurs deux regards clairs
S’étaient brûlés, jadis, en un unique éclair,
Vos liens silencieux mais forts tenaient sa vie
À vos doux souvenirs doucement asservie.

Parfois, les soirs, quand les clartés des horizons
Frôlaient à peine, au loin, les portes des maisons,