Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/130

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Avec une ferveur lente, ses mains fidèles
Parcouraient ses beaux seins et sa bouche et ses yeux
Comme pour recueillir, entre ses doigts pieux,
Ce qui restait de lui et de son feu, sur elle.
Alors c’était si bellement fête en son cœur,
Que rien, ni le ciel noir voilant, là-haut, ses astres,
Ni l’orage épandant les maux et les désastres,
Rien n’aurait pu troubler l’hallucinant bonheur
Que lui versaient longtemps, en cette heure de fièvre,
Ses doigts soudain rejoints et baisés par ses lèvres.

Ô ces deux cœurs tendus à travers l’Océan !

Au bord des torrents fous, au pied des rocs géants,
Où qu’il allât — vallons, steppes, plaines, rivages,
Chemins perdus, marais fangeux, brousses sauvages —
Il la sentait vivre et comme penser en lui.
Elle était là, quand il marchait sous l’or des nuits
Vers quelque but lointain, par les chemins funestes
Où les dangers guettaient, prêts à bondir, son geste.