Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/136

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Ses chercheurs d’or, d’argent, d’étain, de plomb, de cuivre,
En des îles de gel, en des pays de givre,
Partout, où leur pic dur dans le roc s’enfonçait,
Sans le savoir, de terre en terre, obéissaient
À son infatigable et tenace pensée.
Ils se mouvaient en son âme dramatisée.
Ses lourds vaisseaux craquant au poids des cargaisons,
Et, blasonnant de leur splendeur les horizons,
Tanguaient bien plus en lui que sur les vagues folles.
Parfois, il prononçait de soudaines paroles
Et ses yeux regardaient ce qu’ils fixaient, sans voir ;
Mais quand il travaillait, sous la lampe, le soir,
Ivre de ses calculs, fiévreux de ses conquêtes,
Et que le monde entier lui battait dans la tête
Avec ses docks, avec ses ports, avec ses mers,
C’était le rythme immense et clair de l’univers
Qu’il sentait s’exalter, jusqu’au fond de ses moelles ;
Ô les pôles, les équateurs et les étoiles,
Comme ils gelaient, brûlaient et s’éclairaient en lui
Et comme, en son cerveau, chantait leur infini !