Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/45

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Le désespoir n’entra dans l’âme de Persée.
Le lendemain au jour levant
Il vit un aigle aborder l’île :
Son large vol planait et ses ailes tranquilles
Semblaient bercer là-haut la lumière et le vent.
Oh ! s’élancer, quitter le sol, gagner les nues !
Armer ses bras mouvants de forces inconnues !
Avec des pennes d’or, partir pour le soleil !
Crier, ivre de joie, au cœur de l’air vermeil,
Au-dessus des écueils creusés de vagues noires !
Persée était heureux et triomphant déjà
Quand soudain tournoya
Du fond de sa mémoire
La chute et le trépas
D’Icare.


L’antre s’ouvrait plus noir que le seuil du Tartare
Où le dragon traînait son corps flasque et vitreux.
Depuis les temps lointains il gardait Andromède
Et quelquefois son souffle envenimé, mais tiède,
Montait vers la splendeur du beau corps douloureux.