Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/89

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Ô ce grand ciel chrétien, despotique et mental,
Envoûtant sous ses lois l’espace occidental,
Qui donc l’affronterait, là haut, sur la montagne ?
Ce fut un moine ardent, sensuel et buté,
Qui serrait sous le froc deux poings de volonté,
Et qu’offrit à la terre un pays d’Allemagne.

Les textes nus et froids lui semblaient sans vertu ;
C’étaient des poteaux secs qui se croyaient des arbres,
L’esprit vivant gisait sous la lettre abattu
Et le pape, là-bas, dans sa ville de marbre,
Mettait la grâce en vente et trafiquait du ciel.
Partout le décor creux masquait les lignes fermes
Et les hautains piliers d’un temple essentiel,
Les pépites de l’or semblaient autant de germes
Dont les prêtres ensemençaient le sol chrétien.
Tout un peuple de saints imposait sa tutelle
À la supplique humaine et la chargeait de liens.
Le cri direct de l’homme à Dieu n’avait plus d’ailes.