Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Qui font claquer ma langue.
Métal riche, si fruste était la gangue !
Nos cœurs s’éjouissaient de ne se cacher rien.
Ce n’était pas le mal, c’était le bien,
La vie et le bonheur que célébraient nos joies ;
Elle n’était ni victime, ni proie,
Mais ce repas juteux luisant et solennel
Qu’on sert en Flandre, à Pâques ou à Noël.


Nos corps noués s’incendiaient l’un l’autre,
Sous les angles et sous les croix
Que dessinaient l’arête et les poutres du toit.
D’un bloc, ils s’abattaient — et l’orge et les épeautres
Les entourant, ils s’y creusaient un lit ;
Ils se pâmaient, dans la fraîcheur fondante
Du seigle clair et des orges ardentes ;
Ils se perdaient : roulés, cernés, ensevelis,
Dans le ruissellement des pépites dorées.
Elle ! — sa chair s’en échappait transfigurée,
Joyeuse et nue, et de nouveau s’y enfonçait ;
Des brins de paille entre ses doigts luisaient ;
Ses bras rouges sortaient de la mêlée ;
Elle riait, lasse, défaite, échevelée ;