Page:Verhaeren - Petites Légendes, 1900.djvu/20

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Quand il partit, le pèlerin,

Le clair matin
Baptisait l’ombre, avec de la rosée ;
Le coq chantait de sa voix angoissée,
Le vieux chaudron, qui balle, dans la tour,
Disait bonjour au jour ;
Et les servantes molles
Bâillaient et s’étiraient encor,
Dans les greniers, où palpitaient au vent de folles

Folioles, contre les carreaux d’or
.


Au premier bourg qu’il traversa,

Le pèlerin surprit,
Sur la place, chanter et trépigner la fête
Soûle et rouge des conscrits.
Ils arboraient des fleurs à leurs casquettes ;
Ils saccageaient, avec des baisers gras
Et les doigts gourds le corsage des filles ;
Le pèlerin s’assit près d’eux, grave et tranquille,

Mais d’un seul coup, il but le verre qu’on lui tendit.


Au second bourg, à l’église, sonnait midi.

Une noce sortait de la ferme d’en face :
En blouse roide et bleue, en souliers clairs,
Des gars offraient le bras aux commères salaces.
À l’enseigne du Lapin Vert,
De gros buveurs, en manches de chemise,

En attendant que la table fût mise,