Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/31

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de ses personnages lui ont-ils été suggérés par Lastman.

Après un dernier séjour à Leyde, Rembrandt se fixe définitivement à Amsterdam. Il y arrive en 1630.

Ville de marchands positifs et orgueilleux, que cette « Venise du Nord », au moment où l’indépendance de la Hollande, définitivement reconnue enfin par l’Espagne, lui donne un lustre et une prospérité soudaine. Son port se développe. Des maisons avec des frontons lourds, pareils à des pâtes ornementées, avec des guirlandes épaisses, des boules et des vases plaquant ou surmontant les pignons, avec des fenêtres multiples buvant le jour gris et brumeux, s’alignent au long des canaux. L’aspect en est cossu. Des matrones à collerette empesée, assises derrière les vitres, regardent, pendant des heures, la façade d’en face pareille à la leur. Peu de bruit. Tout est régulier, compassé, fixé, prévu. La vie y est tenue comme un papier commercial : lignes droites et chiffres. Les citoyens d’Amsterdam sont des puritains. La Réforme, ils l’ont conquise avec leur sang. Elle les fige dans sa fierté hautaine et calme, mais aussi dans sa tristesse. Ce que ces novateurs rapidement assagis redoutent le plus, c’est qu’à l’avenir on dérange encore la monotonie compassée et textuelle de leur existence. S’ils admettent la liberté dans la pensée, ils n’admettent point la liberté dans la conduite. Ils libèrent les idées, mais enchaînent les actes.

C’est en cette ville de préjugés, de convention et de réglementation à outrance, que Rembrandt travaille à se créer une vie spontanée, féerique et païenne.