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confessions

ranger, on m’avait placé dans l’étude des moyens de 12 à 14, 15 ans, revenus de Bonaparte (les Chaptaux avaient leur étude à part) ; et c’était la coutume pour les élèves de cette catégorie qui étaient punis, de subir, en forme de pensum, une espèce de dictée latine du française épelée mot par mot, d’après le livre, par l’un des patients, à haute et intelligible voix, sur le rythme un peu de ces sortes d’exercices dans les écoles primaires « B, A, ba, Baba, B, É, bé. Bébé ». Ce jour-là, le texte était emprunté à Télémaque et au chapitre de cet ouvrage où se trouve le récit de la descente aux Enfers du fils d’Ulysse, et le garçon chargé de la dictée, l’un des plus âgés de l’étude, doué de cette grosse voix virile dont sont si fiers les gamins en voie de puberté, forçait encore cette voix et, dans l’intention non équivoque de faire enrager le maître d’études, scandait furieusement son épellation. C’était en hiver. Quatre lampes à suspension pourvues d’abat-jour métalliques jetaient sur les quatre tables noires de la salle une lumière dure qui rendait l’ombre des murs d’autant plus sombre et pour mes yeux inaccoutumés à des aspects aussi sévères, comme effrayante. La voix terrible allait toujours évoquant le Phlégéton, géton, Radamante, damante, etc., — et c’était très impressionnant, je vous assure. Même c’était trop fort pour le premier jour et ma mauvaise impression fut si intense que