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confessions

j’eus grand’peine à refréner une envie de pleurer.

Une cloche sonna qui annonçait l’heure d’aller dîner. On se mit en rang deux par deux, moi accolé à un élève de ma taille et qui, durant l’assez long trajet de la salle d’étude au réfectoire, ne me dit pas un mot et, en place, se retourna plusieurs fois vers l’un des deux camarades qui nous suivaient, lui murmurant entre haut et bas des choses évidemment sur mon compte que je ne pus bien discerner, à cause du bruit des pieds traînant ou sautillant sur le chemin pavé que suivait la longue bande écolière, mais que je devais, à bon droit, sans nul doute, soupçonner véhémentement d’être plus ou moins malicieuses, sinon tout à fait malveillantes.

Le réfectoire, dont j’ai déjà parlé, contenait trois longues tables, celles des grands au milieu, des moyens et des petits, dont j’étais, à droite et à gauche, plus celle des maîtres d’étude, plus petite, dans un coin à gauche en entrant, face à la porte de la cuisine, toutes quatre en marbre noir, sans nappe. Avant que l’on pût s’asseoir, un surveillant en chef que l’on appelait, ainsi que ça se fait encore, je pense, maintenant, dans les établissements de ce genre, « Monsieur l’Inspecteur », dit le Benedicite traduit en un français qui enlevait toute la beauté du latin ; ainsi dans les sous-entendus de sa concision, ce prologue si plein de choses « Benedicite Dominus » était remplacé par un simple signe de