Page:Verlaine - Jadis et Naguère, 1891.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et crie : « À moi l’Enfer ! ô vous qui fûtes
« Par moi guidés en vos sublimes chutes,
« Disciples de don Juan, reconnaissez
« Ici la voix qui vous a redressés.
« Satan est mort. Dieu mourra dans la fête,
« Aux armes pour la suprême conquête !

« Apprêtez-vous, vieillards et nouveau-nés,
« C’est le grand jour pour le tour des damnés. »
Il dit. L’écho frémit et va répandre
L’appel altier, et don Juan croit entendre
Un grand frémissement de tous côtés.
Ses ordres sont à coup sûr écoutés :
Le bruit s’accroît des clameurs de victoire,
Disant son nom et racontant sa gloire.
« À nous deux, Dieu stupide, maintenant ! »
Et don Juan a foulé d’un pied tonnant

Le sol qui tremble et la neige glacée
Qui semble fondre au feu de sa pensée…
Mais le voilà qui devient glace aussi
Et dans son cœur horriblement transi
Le sang s’arrête, et son geste se fige.
Il est statue, il est glace. Ô prodige